Le masque d'or de l'Hiroshima

Le Masque d'Or de l'Hiroshima

Capturés par les bassesses de chaque jour, entraînés par les vagues de survie dans un monde trouble, obsédés par nous-même, nous n'avons plus le temps de nous arrêter devant les tragédies qui se passent sous nos yeux. Et bien davantage, cela avec notre propre culpabilité et indolente complicité. L'un de plus choquants exemples est le cas de Rosia Montana. Il s'agit peut-être d'une intelligence mise au service des jeux pervers , on dirait qu'on est dans un épisode classique de " malédiction de l'or " : toute une communauté est sacrifiée pour faire sortir le métal précieux qui se trouverait en abondance dans les jardins, dans les cours, sous les maisons et sous les cimetières de cette communauté.

Seulement que les malédictions ne fonctionnent pas de la même façon que les phénomènes naturels, causés naturellement. " La malédiction de l'or " est liée à la convoitise humaine, à la soif d'enrichissement , à l'avidité toujours éveillée et à la barbarie de l'accumulation des biens matériels. Il est évident qu'une telle turpitude colossale ne pouvait pas avoir lieu qu'avec la gênante complicité de l'état. Si lui, il n'avait pas eu l'intérêt de saisir quelques de " pepites " mises en jeu , il est possible que l'initiative des canadiens n'aurait pas eu la moindre chance. Et quand je dis l'état roumain, je ne fais pas référence uniquement à la défaillance radine de type Adrian Nastase , mais aussi à l'inconscience de beaucoup de gens arrivés au pouvoir après 2004.

Racontée sèchement, l'histoire est aussi linéaire que possible : Rosia Montana a été , depuis le temps des romains, une généreuse exploitation minière, où l'or se trouvait pratiquement à la surface. Les travaux d'extraction ont eu lieu pendant toute la période jusqu'aux nos jours. C'est justement grâce à cette situation que Rosia Montana a été depuis toujours une localité en plein essor. L'exploitation des mines et l'agriculture ont été depuis des siècles, les occupations de base des habitants qui en plus pouvait se réjouir d'avoir une région d'une beauté rare. A côté de ce que la nature lui a offert, l'homme a su y ajouter encore : dans Rosia Montana il y avait des maisons depuis le XVIII ème et le XIX ème siècle. Naturellement , celles-ci ont été déclarées des monuments historiques. Il y avait encore environs cent kilomètres de galeries datant depuis l'Empire Romain et de l'époque médiévale dont seulement approximativement dix kilomètres ont été mises à la recherche.

Ce qui poursuivrait maintenant c'est du domaine du fantastique : la mise, d'une surface énorme, en état de ruine radioactive. Et cela, parce qu'à présent , l'or ne s'y retrouve plus dans un filon mais il est disposé dans une masse immense d'or et d'argent. Pour qu'elle puissent être dépistées, ces entités invisibles doivent être bombardées avec des corps cyan uriques, pour qu'à la suite de la réaction chimique ils puissent se coaguler. Malgré les promissions démagogiques des initiateurs, tous qu'il restera après semblera à l'image finale du film " La planète de singes ". Récemment, surpris par la virulence des réactions, ceux-ci ont commencé une vaste opération de manipulation à travers la télévision et la presse écrite : " Gabriel Ressources ", la société qui prépare le terrain pour le prochain massacre, a mobilisé suffisamment d'habitants pour raconter la vraie histoire. En réalité nous nous trouvons devant une grossière désinformation, où la griffe sauvage du chacal est vélourée " de nobles intentions ".

La région se trouve bien sûr sous protection , les dix églises et les quarante et une maisons de patrimoine se trouvent sur les listes de toutes les institutions qui sont en charge avec la protection des valeurs du patrimoine. Nous parlons donc d'une localité dont la charge symbolique est époustouflante. Mais , d'après les projets en cours , tous cela sera détruits par la soif d'enrichissement d'une poignée " d'entrepreneurs " qui balance aux gens des avantages dont eux , dans leur malheur , pourraient bénéficier. En tant que région défavorisée, il est vrai la situation ne s'est pas améliorée à Rosia Montana pendant les dernières quinze années. Mais cela est aussi la faute de ceux qui n'ont pas accompagné une législation pleine de bonnes intentions avec l'offre claire d'opportunités.

De quoi parlons-nous quand nous faisons référence au scandale de Rosia Montana ? Dans le langage blanc des chiffres la situation se présente de la manière suivante ; il s'agit de la destruction de mille six cents hectares de terre, dans la région de Rosia Montana et Corna, du déplacement forcé (et illégale) de 2 150 habitants, de la destruction de sept cent quarante fermes qui seront jetés dans un espace apocalyptique, inondé de cyanures, de la transformation de la colline où se trouve actuellement la localité de Rosia Montana dans un immense cratère toxique et de toute la vallée dans un désert plein de résidus empoisonnés semblable seulement aux scénarios catastrophiques des filmes de Hollywood.

Et parce qu'on a parlé du cinéma , il est possible que la plus fidèle image de Rosia Montana à la fin de l'apocalypse minière sera celle du film de Tarkovski, " Le guide " : un territoire maudit, contaminé pour des décennies où des siècles, hanté par les spectres d'une humanité assassinée méthodiquement et brutalement par la sauvage convoitise humaine. Si chez Tarkovski il y avait la trace d'une végétation sauvage, à Rosia Montana on trouvera peut-être seulement le sommet chauve de la colline violée sauvagement et les rides de la honte d'avoir accepté de vendre son âme, pour quelques sous.

On entend parler démagogiquement et sans aucune honte de la symbolisation primordiale de l'Ardeal, des Montagnes Apuseni comme berceau des romains et d'autres bêtises de ce genre. Dans la pratique, l'indifférence, le cynisme et la convoitise ne se gênent pas de détruire tout endroit capable de ramener un peu d'argent dans les poches sans fin des salauds qui se trouvent dans des fonctions importantes. Il est impossible de rendre coupable un groupe des gens d'affaires (même une qui n'a pas d'expérience dans le domaine, comme il semble être le cas pour " Rosia Montana Gold Corporation ") du fait d'essayer d'obtenir du profit par tous les moyens. C'est cela la mission des compagnies commerciales. Mais on peut le faire pour ceux qui acceptent lâchement , la destruction sans scrupules et la dévastation de ce véritable paradis.

L'action en force de Rosia Montana a les mobiles et le profil des incidents similaires pendant la période d'entre les deux guerres. Ils ont été invoqués jusqu'à la saturation par l'extrême gauche, au nom d'un patriotisme bruyant. Maintenant , on peut encore arrêter ce qui reste prête à tomber sur les splendides montagnes métallifères d'Apuseni. Le fait que l'état roumain n'est qu'un instrument de moquerie des intérêts des Roumains, est largement connu. Mais il est temps qu'on a au moins de temps en temps un brin d'orgueil , jusqu'à ce que le pays ne sera-t-il complètement dévasté.

Qu'est qu'il y a à gagner à la suite de la transformation en ruine de cette région que je n'arrête pas d'appeler paradisiaque ? Il y a à gagner les choses suivantes : 2% du profit pour l'état roumain et le paiement pendant la durée de l'exploitation, c'est-à-dire quinze ans, du TVA sur les activités commerciales développés. En plus, deux cents cinquante habitants (moins les spécialistes étrangers) auront un emploie. Au bout de quinze ans, la chance qu'un groupe d'entrepreneurs - peut-être les mêmes qui aujourd'hui ne font rien pour mettre en valeur les beautés époustouflantes de la région - organiseront des programmes touristiques dans le paysage pittoresque avec ouverture vers les galeries romaines - tant qu'il y en aura survécu.

En termes purement financiers, ce qui entrerait dans la trésorerie de l'état roumain vaut environs trois pauvres héritages des trois tantes paysannes. A condition, naturellement, que ces tantes soient un peu plus malignes que celle qui a mis en difficulté Adrian Nastase. A part cela, on peut encore parler de la programmation scientifique d'une catastrophe dont les dimensions sont difficiles à évaluer. Une catastrophe qui commence avec l'assassinat des collines et qui se termine triomphalement, avec l'aménagement d'une Hiroshima avec le même visage et aspect physique que celui des hyènes qui ont accepté le pacte avec le diable d'or.

Auteur: Mircea MIHAIES
Publication en roumain: Romania literara , No. 8, le 25 février 2006
Traduction: Anca Dunca